L'apprentissage musical:entre rigueur et créativité

Une nouvelle année scolaire commence et pour bien des élèves et étudiants-es, les cours de piano, de violon, de chant, de guitare reprennent également.

Des préoccupations et questionnements se posent souvent pour les professeurs-es. 

Quelle place accorder à la technique instrumentale? Quel répertoire choisir? Quels objectifs atteindre avec l’étudiant-e? Quelle importance accorder à la rigueur, à la structure, à la méthode de travail, et à la discipline qui en découle?  Et y a-t-il une place pour la créativité, peut-être même pour l’improvisation?

Personne ne remettra en question la valeur d’une rigueur dans la méthode de travail, d’une discipline personnelle, mais alors qu’en est-il de la créativité, de la liberté dans l’expression musicale? « Faire » de la musique n’est-il pas un acte de création ou de re-création, et ce, même dans l’interprétation du répertoire? Comment concilier ces deux aspects? Et d’ailleurs, sont-ils conciliables?

Dans l’enseignement classique traditionnel, la très grande structure des programmes et la rigueur ont été mises de l’avant, en priorisant la technique, la lecture, le respect des styles, etc. Du moins, l’enseignement traditionnel a-t-il pris cette tangente au fil du temps. Et pourtant, il n’en fut pas toujours ainsi. À l’époque baroque, la réalisation de la basse chiffrée impliquait une certaine liberté et une compréhension du langage musical. À l’époque classique, il était convenu que la cadence d’un concerto soit improvisée par l’interprète. Puis, l’art de l’improvisation s’est perdu lorsqu’il y a eu un clivage entre le rôle du compositeur et le rôle de l’interprète. L’improvisation est réapparue dans la musique jazz, par l’originalité, la liberté d’expression qui sont des éléments intrinsèques dans ce style.

Lors de mes ateliers offerts à des professeurs de piano, on a souvent porté à mon attention le fait que le temps manquait pour couvrir tous les aspects, tous les éléments de l’apprentissage surtout si on s’astreint à suivre un programme d’enseignement. La plupart du temps, l’aspect créatif et l’improvisation sont exclus, soit parce que les professeurs n’ont pas appris à intégrer cet aspect dans le jeu instrumental, soit parce que l’improvisation relève plus du processus que de la performance qui est davantage valorisée.

Il est possible d’accorder un temps, même restreint, à l’improvisation en l’intégrant au répertoire et aux éléments travaillés. Il est tout à fait possible de concilier l’aspect créatif et la rigueur comme le souligne Tom Donald, pianiste et professeur au London Contemporary School of Piano :

« …practice itself needs both structure and creativity. Too many people treat practice as a rigid, joyless checklist. But music is a creative art form. You need freedom to explore, to improvise, to play with sound. At the same time, some structure is essential if you want to make progress.”

Je vous donne un exemple très simple et accessible de l’utilisation de l’improvisation pour intégrer une notion musicale. Tous les élèves apprennent les gammes majeures. Bien souvent, cet apprentissage est perçu par les élèves comme une corvée ou comme un exercice segmenté, déconnecté de la musique.

Ma suggestion est la suivante :

Jouez en duo avec l’élève. Vous enseignez la gamme de Ré majeur? Alors, jouez un motif très simple et régulier rythmiquement à la basse, en insistant sur la fondamentale et la quinte juste (ré-la). Demandez à l’élève de jouer la gamme de Ré majeur, en écoutant bien la partie que vous jouez à la basse, puis demandez-lui d’utiliser librement de petits motifs, de courtes phrases tirées de la gamme de Ré. Suivez l’élève, de façon à l’encourager dans le déroulement de sa mélodie. Un tel exercice créatif permet de donner un sens à une notion qui autrement, resterait théorique et technique.

Il est également possible d’improviser à partir d’un élément particulier d’une pièce de répertoire. Le point de départ peut être un motif, une mélodie, un enchaînement d’accords, un élément rythmique… Ma vidéo « Inspiration : Debussy » donne une idée de ce qu’il est possible de faire à partir d’un simple motif de la Rêverie de Claude Debussy.

Alors, chers professeurs-es funambules, en ce début d’année musicale, je vous invite à trouver un équilibre entre rigueur et créativité!

Si vous souhaitez un coup de pouce plus personnalisé pour vous guider dans l’aspect de l’improvisation, n’hésitez pas à me contacter. Il me fera plaisir de partager mon expérience pédagogique.

Bon début d’année!

Monique Poirier, M.Mus

Site web : www.moniqueimpromusic.com